Relance Verte- 26/10/2020

WWF, la “relance verte” et les exigences du “monde d’après” : passer de la réaction à l’anticipation.

Début juillet 2020, la World Wide Fund for Nature (WWF) a publié en partenariat avec Ernst and Young (EY) une étude intitulée “Monde d’après : l’emploi au coeur d’une relance verte”. Un plan ambitieux destiné à convaincre Bercy du bien-fondé d’un “Green New Deal” à la française. Biocycle s’est plongé dans cette étude et publie aujourd’hui ses conclusions : embrasser une ambitieuse stratégie d’anticipation est la meilleure façon d’économiser sur le long-terme.

Ne pas répéter les erreurs de 2008

Les auteurs de l’étude se penchent sur le potentiel économique d’une relance verte. Ils  démontrent que “l’économie française, et notamment le marché de l’emploi, bénéficierait largement d’un plan de relance vert visant à dépasser les objectifs climatiques actuels. Cette étude s’appuie sur trois scénarios à horizon 2030 construits à partir d’objectifs et investissements mesurables :

  • Le scénario « Tendanciel » a été élaboré à partir de la projection des données historiques, diminuée de la perte d’activité engendrée par la crise économique actuelle.
  • Le scénario « Engagements actuels » modélise la trajectoire à suivre pour atteindre les objectifs fixés par les principaux documents encadrant la transition écologique en France : la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et la loi EGalim pour l’agriculture biologique.
  • Le scénario « Relance verte » définit, pour chaque secteur, des objectifs plus ambitieux que ceux fixés par les engagements actuels qui sont insuffisants, et permet d’amorcer une transition écologique à la hauteur des enjeux.”

La dernière grande crise économique mondiale, celle de 2008, sert de contre-exemple. Cherchant à tout prix à sauver le modèle économique prééxistant, les États ont apporté un soutien financier parfois perçu comme inconditionné. La relance a ainsi fait passer l’écologie au second plan et, d’après les auteurs, a aggravé la crise environnementale - écartant ainsi la France des trajectoires fixées en terme de climat depuis des décennies.

La relance post-Covid est donc l’occasion de corriger certaines erreurs : “cette relance doit être l’occasion de réformer notre modèle économique pour créer et soutenir des emplois durables, ancrés dans nos territoires, et moins vulnérables aux chocs à venir,” arguent les auteurs.

En effet, lorsqu’on parle de modèle économique, il devient de plus en plus coûteux de sauver l’existant que d’investir dans du neuf défendent les auteurs de l’étude. D’autant que les effets de la crise économique engendrées par la crise sanitaire du Covid 19 vont de pair avec le dérèglement climatique. A l’inverse, des investissements d’anticipation peuvent permettre de faire des économies colossales. Citant l’Organisation Internationale du Travail, les auteurs rappellent que “quatre emplois seront créés dans la transition écologique pour chaque emploi perdu. [...] L’Agence Internationale de l'Énergie (AIE), dans son rapport de juin 2020, estime quant à elle qu’une relance durable pourrait soutenir 9 millions d’emplois par an d’ici 2023 (soit 27 millions d’emplois soutenus au total), pour 6 millions d’emplois perdus ou en risque de l’être. Cela représente 4,5 emplois soutenus pour 1 emploi perdu.”

Or, considérant l’impact catastrophique du Covid sur l’économie française (une baisse de 10% du PIB français en 20201 et une hausse du chômage de 1 à 2 millions de personnes2), il serait donc plus judicieux d’anticiper ces pertes en opérant dès maintenant un ambitieux basculement vers une économie plus “verte”.

Parmi les nombreuses préconisations les plus concrètes présentes dans l’étude, il est recommandé de faire particulièrement attention à ne pas financer des projets néfastes pour l’environnement. Outre le coût indirect pour l’économie française de tels projets à long terme, ils risqueraient d’enfermer certains secteurs sur les prochaines décennies dans des trajectoires non durables.

Le consensus de l’investissement “vert”

Biocycle s'engage depuis de nombreuses années pour un développement ambitieux des modèles d'économie sociale et solidaire. Il apparaît important de sortir d'une logique court-termiste qui, parfois plus rassurante, est plus coûteuse qu'une vision à long terme. Fondée sur des modèles scientifiques solides, cette stratégie d'anticipation permet de limiter les dégâts causés par les ouragans socio-économique issus du le dérèglement climatique.

De telles idées ne sont pas nouvelles, mais ont récemment été embrassées par des acteurs traditionnellement plus frileux. Par exemple, la Banque Centrale Européenne reconnaît qu’ “Au travers des événements météorologiques extrêmes et des incertitudes qui entourent la transition vers une économie sobre en carbone, le changement climatique peut en effet avoir une incidence économique”. Jean Jouzel et Pierre Larrouturou défendent également la création d’une Banque Européenne pour le Climat et la Biodiversité, subsidiaire de la Banque Européenne d’Investissement. Considérant les sommes titanesques requises pour financer la transition écologique en l’état (1,100 milliards d’euros par an jusqu’en 2050), exclure tout financement qui ne s’aligne pas sur les objectifs fixés par l’Accord de Paris est une nécessité pour certains européistes. Dans un article brillamment rédigé3, Foreign Policy met en lumière l’engouement des pays du sud de l’Europe et les réticences de la Bundesbank dont le conservatisme fait obstacle à un positionnement européen unifié résolument ambitieux.

Jean Castex expliquait à l’Assemblée Nationale le 15 juillet que “L'écologie n'est pas l'apanage d'une génération, c'est notre affaire à tous. Elle doit être créatrice de richesse. Je crois en la croissance écologique, pas à la décroissance verte4”. Si d’aucuns déplorent le refus de considérer la décroissance comme une option, il est toutefois notable que concilier la finance avec la transition écologique est affiché comme un des objectifs premiers de son gouvernement. Prendre en compte les propositions formulées par l’étude de WWF et EY semble s’accorder naturellement avec la volonté politique affichée. Reste à voir si la volonté politique va se concrétiser au-delà des discours post-élections...

Le projet Biocycle

Biocycle est une entreprise sociale, dont le cœur de mission est la lutte contre le gaspillage alimentaire au service de la grande précarité, à travers la redistribution d’invendus au profit d’associations caritatives locales.

Nous collectons près d’une tonne de fruits et légumes chaque semaine auprès des professionnels de l'alimentation donateurs et répartie auprès d'associations caritatives partenaires de plusieurs grandes villes d’Ile-de-France. Cette action hebdomadaire soutient près de 600 personnes aidées par l’accès quotidien à une alimentation plus équilibrée.

Le relais solidaire Biocycle incarne à l’échelle du quartier le dernier maillon du don alimentaire. Il comble l’absence de lien adapté entre les professionnels de l’alimentation qui disposent de surplus de nourriture consommable et les associations de soutien aux plus démunis ayant des besoins quotidiens en aide alimentaire. En effet, dans la majorité des cas, aucun de ces deux acteurs ne peut prendre en charge seul la mobilisation et le coût logistiques.

Attaché à venir en soutien “a posteriori” (au moment où la nourriture va être jetée), Biocycle s’engage aussi pour intervenir “a priori”, c’est-à-dire en effectuant des missions de formation auprès de professionnels. Ces formations visent à sensibiliser sur le gaspillage alimentaire et faire adopter davantage de pratiques vertueuses.

1 Estimations INSEE, OFCE, Banque de France

2 La Banque de France estime que le taux de chômage pourrait atteindre 11,5 à mi-2021 contre 7,8 % début 2020

3 https://foreignpolicy.com/2019/10/31/weidmann-lagarde-bundesbank-germany-qe-climate-change/
4 https://twitter.com/franceinfo/status/1283396611473842176

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